Maître Wang Yen-nien, une histoire personnelle

Claudy Jeanmougin

Écurat le 12 août 2008

 

Je vous avoue franchement que je ne suis pas quelqu'un qui tombe dans la facilité et le nombrilisme de "l'adolatrie". Ma formation principalement scientifique m'a toujours permis le recul du doute, ce doute qui justement ramène à la franche réalité. Dans ces lignes, c'est bien de cela dont il sera question car Maître Wang, qu'il me plait de nommer Laoshi, comme ce fut le cas pour mon vieil instituteur que nous nommions tous maître sans nous poser la moindre question sur la portée de ce terme, restera à jamais un homme plein d'humanité, avec ses coquetteries comme la teinture de ses cheveux et le soin de ses ongles, avec ses excès et ses faiblesses comme il appartient à tout homme qui se veut ne pas être exceptionnel et qui pourtant l'est au-delà de ce qui le rend commun.

J'ai eu affaire à un homme, et je ne renierai pas la réalité si je le qualifie d'exceptionnel. Encore une fois, il ne s'agit pas de mettre Laoshi sur un piédestal et de venir s'incliner chaque matin devant sa statue. Si cela plaît à certains, qu'ils le fassent mais je ne suis pas sûr que cela soit l'un des souhaits de celui qui fut d'une modestie à toute épreuve, même si j'eus à déplorer à certains instants quelques abus, certainement dus à une culture que je ne connais pas suffisamment.

Oui, dans ces lignes, j'aimerais que l'on comprenne que je fais l'éloge d'un homme de bien, honnête et simple, qui a vécu dans le lieu le plus bruyant de Taipei, à Shilin connu pour son marché de nuit. Ce qui ne l'a jamais empêché de pratiquer le Neigong deux fois par jour. Un homme qui a consacré sa vie à une discipline, le Taiji quan, parce qu'il était convaincu que non seulement elle pouvait entretenir la santé de l'être mais aussi celle de l'humanité, en ce sens qu'elle rapprochait les êtres pour un partage fraternel. Il croyait profondément à cela, lui qui avait vécu tant d'épreuves durant la guerre sino-japonaise puis la guerre civile. Le Tuishou, discipline dans laquelle il excellait, n'était qu'un jeu à ne prendre au sérieux que pour mieux progresser dans la compréhension des fondements de notre art. Et s'il a encouragé pendant de nombreuses années ses élèves à faire de la compétition, à la fin de sa vie, il le déconseillait car la compétition dénaturait totalement l'art enseigné.

Certains de ses anciens élèves ont fait courir le bruit qu'il lui avait fallu relever des défis pour garder "son territoire" de pratique à côté du Grand Hôtel à Yuan shan. Sachez que Laoshi n'a jamais eu à relever de tels défis, ni aucun autre d'ailleurs dans le domaine du Taiji quan. Cet homme a toujours été respecté et il ne serait venu à personne l'idée de le défier. Personnellement, je pense que c'est un bien meilleur exemple que celui d'un "maître" qui aurait eu à combattre pour défendre sa personne.

Je suis persuadé que les personnes qui ont eu un contact sincère et réel avec Laoshi ont été imprégnées de cette ouverture d'esprit qui a donné, par exemple, la naissance de l'Amicale et celle du Collège, deux instances uniques dans le milieu du Taiji quan, tous styles confondus. J'ajouterais, et je me fais fort de ces mots, que Laoshi a eu une confiance sans limites en ces personnes que la Chine ancienne qualifiait de sauvages, à savoir nous, occidentaux. Ne nous a-t-il pas dit, et j'en possède un enregistrement sur cassette, qu'il nous faisait plus confiance qu'à ses élèves chinois? Pour quelle raison a-t-il dit cela ? Pour nous faire plaisir parce que nous étions avec Sabine et Julia en plein travail sur la traduction de son premier livre ? Non, tout simplement parce que nous étions curieux et que nous n'hésitions pas à poser des questions. Cela faisait beaucoup rire Laoshi toutes ces questions alors que nous n'avions fait qu'un tout petit pas dans la pratique. Malgré tout, il prenait le temps de toujours nous répondre, sans fatigue et avec le plus de détails possibles.

Vous qui lisez ces lignes et qui avez suivi des stages avec Laoshi, vous souvenez-vous de ces éclats de rire bien francs ? Ne reste-t-il pas en votre mémoire quelques anecdotes, art dans lequel il excellait aussi. Laoshi aimait parler, nous raconter des histoires, nous parler de ses guerres, conteur inlassable il accrochait nos esprits de longues heures. Il adorait les enfants et s'amusait beaucoup avec eux, comme un vrai grand père, toujours avec le sourire et une petite farce à accomplir.

Certains jeunes seront peut-être surpris en parcourant cet article que je ne parle pas de Laoshi en sa qualité de Maître de Taiji quan. Je crois que je suis encore trop jeune pour parler de l'art de Laoshi. Le respect que je porte à cet homme ne m'autorise pas à dire le moindre mot sur ce sujet. Je transmets au mieux ce que j'ai reçu et tout le reste demeurera une histoire personnelle que je désire conserver au plus profond de mon être.

 

 

Photo 1 - Châtillon (Montreuil-Juigné), juillet 1989 (fournie par Julia Fairchild)

Maître Wang assiste à la démonstration d'accueil du premier stage organisé par l'ATA (Association de Taiji quan de l'Anjou)

 

 

 

Photo 2 - Châtillon (Montreuil-Juigné), juillet 1989

Fin de la journée! En attendant le souper, Laoshi joue avec le cerceau de ma fille Raphaëlle qui le lui a prêté quelques instants.

 

 

 

Photo 3 - Châtillon (Montreuil-Juigné), juillet 1989

Rituel des dédicaces au pied de l'arbre sous lequel il a fait ses conférences. Claudy a revêtu sa tenue de la panthère rose qui a eu énormément de succès à Taïwan en 1991.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo 4 - Châtillon (Montreuil-Juigné), juillet 1992

Deuxième stage de Maître Wang en Anjou. Il y aura sur ce site trois stages organisés par trois associations différentes. Maître Wang montre à son entourage une dent de requin offerte par Georges Charles que nous voyons de dos à gauche de la photo.

 

 

 

 

 

 

Photo 5 - Chalonnes-sur-Loire, août 1999

Ce sera le dernier stage de Maître Wang en Anjou co-organisé par l'ATA et KUN LUN. Ici, il est en présence de C.C.Chen qui animait un atelier aux Rencontres Jasnières. C.C. Chen était accompagné d'Epi Van de Pol, de Bob Lowey et de Dan Docherty.

 

Photo 6 - Chalonnes-sur-Loire, août 1999

Laoshi en plein délire avec Dan Docherty. Sabine Metzlé, à gauche, joue les interprêtes.

 

Photo 7 - Chalonnes-sur-Loire, août 1999

Repas de clôture sous la tente des organisateurs. le coup de fourchette de Laoshi est très célèbre…

 

 

 

 

Photo 8 - Chalonnes-sur-Loire, août 1999

Laoshi est très joueur et là il relève le défi de réaliser un origami.